La faim ...
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la faim durant le siege de leningrad
On ne peut pas grand-chose contre la faim. Sous les gros manteaux et les couches de vêtements superposées, les habitants de Leningrad ont le ventre distendu par la malnutrition ou la peau sur les os, suivant leur tempérament. Ils ont des visages émaciés où les yeux brillent d'un sombre éclat. Ils perdent leurs dents. Le scorbut apparaît.
Chaque jour, ils se traînent à leur travail sous la neige, en longeant les immeubles éventrés par les bombes et abandonnés, ou bien font queue interminablement pour toucher leur ration de pain, d'un pain qui, bien souvent, n'est même pas arrivéà la boulangerie.
Ils chassent les chats, les chiens et les rats qui ne sont pas encore morts de faim et les mangent crus ou les cuisent dans la cendre des maisons incendiées par les bombes en les assaisonnant de quelques grains de poivre noir.
le siege de leningrad
Des équipes vont dans les cultures maraîchères des faubourgs où l'on peut encore ramasser quelques pommes de terre dans des champs balayés sans répit par le feu de l'ennemi. Ces expéditions, qui conduisent parfois leurs participants à plus de 50 kilomètres de la ville, sont à la fois épuisantes et dangereuses, mais elles contribuent dans une certaine mesure à l'amélioration du sort des habitants.
Les aliments et les ersatz d'aliments qui arrivent de temps en temps par avion ou à bord des quelques péniches encore en mesure de traverser le lac étant aussitôt envoyés aux soldats du front, le pain demeure la seule nourriture sur laquelle on puisse compter. Mais les stocks de farine s'épuisent et, fin septembre, le pain va manquer.
Dans les hôpitaux, les écoles et les usines, les diététiciens reçoivent l'ordre de mettre au point un produit de remplacement. Vaste programme, mais à peu près sans espoir, car s'il s'agit, théoriquement, d'une chose facile, la réalisation risque, en revanche, de soulever d'insurmontables problèmes, les ersatz étant aussi rares que la farine. De leur côté, les boulangers vont en délégation rendre compte au secrétaire du parti de Leningrad, Lazoutine. Il leur est déjà arrivé de cuire du pain qui contient 50 % seulement de farine de seigle et 50 % d'avoine, d'orge, de soja et de malt. Mais le malt, pris dans les brasseries, et l'avoine, au départ destinée à la nourriture des chevaux du front, manquent à présent.
siege de leningrad durant le siege de leningrad
Nous devons trouver n'importe quoi, déclare en substance Lazoutine. Nos savants ont résolu le problème pour les chevaux. Ils doivent maintenant y parvenir pour les hommes. Pour remplacer l'avoine, on utilise en effet un effroyable mélange de branches d'arbrisseaux, moulues et cuites, et de tourbe, de tourteaux et de sel. Les chevaux n'aiment guère cet ersatz qui, on s'en doute, ne leur fait pas de bien. Ce serait la même chose pour les hommes mais, de toute façon, la quantité de branches disponible dans les forêts qui ne sont pas encore devenues des champs de bataille serait tout à fait insuffi­sante pour nourrir trois millions d'hommes.
Il n'existe en quantité suffisante que deux produits apparemment sans intérêt alimentaire : la cellulose destinée à la fabrication du papier d'emballage et les graines de coton qui doivent, en principe, être utilisées comme combustible pour les chaudières des bateaux. Leur valeur nutritive est vraiment voisine de zéro, exception faite d'un pourcentage infime d'hydrates de carbone et de glucose. En outre, les graines de coton contiennent du gossypose, dangereux dérivé du glucose. Charkov, directeur de l'Institut scientifique, déclare alors à Lazoutine qu'il serait possible, avec le temps, de trouver le moyen de tirer des éléments comestibles de ces deux substances. Mais, ajoute-t-il, les expériences nécessaires exigent le rétablissement de la fourniture d'électricité à l'Institut. Vous aurez tout le courant que vous voudrez pendant une se­maine, répond Lazoutine. Il faut que ce délai vous suffise pour réussir : le sort de Leningrad est entre vos mains.
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